#moiaussijaimelaforesterie
FR - Éditorial tiré du Couvert boreal (Volume 15, numéro 1) - ENGLISH
Les grandes oubliées
La pénurie de main d’œuvre dans le domaine forestier est l’objet de toutes les attentions ces derniers temps. C’était d’ailleurs la thématique du congrès de l’Association forestière de l’Abitibi-Témiscamingue auquel j’ai assisté en novembre dernier. J’y ai écouté attentivement les solutions proposées par les conférenciers : attractivité pour les jeunes, programme d’emploi immigrant, mentorat, retour au travail de retraités à temps partiel, etc. J’ai noté par ailleurs qu’il n’y a eu aucune mention spécifique au sujet des femmes dans les solutions au manque de main d’œuvre en foresterie. Pourtant, je n’ai encore jamais entendu parler de pénurie de femmes en Abitibi-Témiscamingue!
Alors qu’elles représentent bien 50% de la population, les femmes n’occupent qu’environ 15% des emplois reliés au domaine forestier au Canada. Ce déséquilibre ne cache-t-il pas une opportunité à explorer? Il y a certainement matière à réflexion.
Lumberjack
Dotée d’un baccalauréat en génie forestier et d’une maîtrise en biologie, je travaille dans le monde forestier depuis maintenant 20 ans. Je fais moi-même partie de ce petit 15%.
Mon intérêt pour le milieu naturel et son écologie a germé de façon plutôt ludique au cours des escapades familiales en camping, en raquettes ou en ski. C’est donc parce que j’aimais être en contact avec l’environnement forestier que j’ai finalement opté pour une carrière en foresterie. Bonne élève, récipiendaire du volet régional du concours Chapeau les filles! encourageant les filles dans des métiers non-traditionnels, j’ai fait mon petit bonhomme de chemin jusqu’au marché du travail. Mon grand-père me présentait alors fièrement à ses amis comme étant son « lumberjack ».
Un problème d’image
Le cliché de l’homme barbu en chemise à carreaux brandissant une hache est plutôt tenace dans l’imaginaire collectif. Des « lumberjack », c’est souvent ce qu’on retrouve dans les représentations des métiers de la forêt. Difficile pour une jeune fille de 17 ans sur le point de faire son choix de carrière de se projeter dans un rôle aussi caricatural. Le premier défi du secteur forestier est de créer une image à laquelle les femmes peuvent s’identifier pour les intéresser à la profession. Les modèles féminins en foresterie se font plutôt rares.
Au quotidien, mon travail en foresterie est pourtant loin des idées préconçues : la certification environnementale et forestière, les relations avec les Premières Nations, les intrants au processus de planification forestière, les rencontres d’harmonisation avec les utilisateurs du territoire, les comités de travail, l’intégration des exigences légales dans les opérations ainsi que les volets recherche et communication. Ce n’est certainement pas ce qu’évoque le mot foresterie pour le commun des mortels. C’est pourquoi il est important de démystifier la profession au grand public et que des campagnes comme « La main-d’œuvre la plus verte[1] »* ou « Une forêt de possibilité[2] » ont toute leur importance.
Bienvenue aux dames!
Il est impératif que le milieu forestier se mobilise pour faire une réelle place aux femmes. Or, si on souhaite que celles-ci envisagent une carrière dans notre domaine, il ne suffit pas de mettre une pancarte « bienvenue aux dames » à l’entrée de l’usine ou dans le chantier de récolte.
Il faut avant tout que l’organisation s’assure d’offrir un emploi valorisant, avec des conditions équivalentes à celles de ses pairs masculins, qui permet à la femme de se réaliser dans un climat de travail sain. Les possibilités d’avancement doivent être réelles. À ce chapitre, il y a beaucoup de chemin à faire, et ce, particulièrement dans les postes de direction. Les organisations doivent également réinventer leur façon de fonctionner pour répondre au besoin de flexibilité d’horaire car, malgré que les rôles parentaux soient en mutation, la charge des soins à la famille est encore aujourd’hui majoritairement l’apanage des femmes.
On peut comprendre que ça demande un effort de la part des organisations mais il suffit simplement de partir la roue. Considérons-le comme un investissement dans l’avenir : ça permettra aux femmes de représenter un modèle féminin en foresterie pour la relève à venir, …en commençant par leurs enfants.
Des femmes passionnées pouvant contribuer à l’essor de notre foresterie québécoise : il serait dommage de se passer de cette main d’œuvre de qualité déjà bien ancrée dans nos collectivités.
Marie-Eve Sigouin ing.f. M.Sc.
Coordonnatrice certification forestière RYAM Gestion forestière
written in French by Marie-Eve Sigouin and translated by Christine Leduc
ENG - Editorial published in Couvert boreal (Volume 15, number 1)
The Great Forgotten
The shortage of workers in the forest products sector has been the focus of much attention recently. In fact, it was the main theme of the Association forestière de l’Abitibi-Témiscamingue annual conference that I attended last November. At this event, I listened carefully to the solutions put forth by the speakers: attracting more young people, offering an immigrant employment program, mentoring, return to work for part-time retirees, etc. However, I noted that there was no specific mention of women within the possible solutions for the forestry labour shortage. And yet, I’ve never heard of a shortage of women in Abitibi-Témiscamingue!
While women make up 50% of the population, we occupy only about 15% of all forestry-related jobs in Canada. Could this imbalance present an opportunity to be further explored? It’s certainly something to think about.
The Lumberjack
With a bachelor’s degree in Forest Engineering[LC1] and a master’s in Biology, I’ve been working in the forest sector for 20 years now. So, I myself am part of the 15%.
My interest in the natural environment and its ecology takes root in the pleasure I derived from enjoying the outdoors as a young person, through activities like family camping getaways, snowshoeing and skiing. It is because I liked being in touch with the forest environment that I opted for a career in forestry. A good student and recipient of the regional Chapeau les filles! award encouraging girls in non-traditional jobs, I happily made my way to the job market. My grandfather would proudly introduce me to his friends as his “lumberjack.”
An image problem
The cliché image of the axe-swinging bearded man in a plaid shirt is deeply ingrained in our collective imagination. Indeed, the “lumberjack” is often found in representations of forest trades. It could be difficult for a 17-year-old girl on the verge of choosing a career path to identify with that caricature stereotype. The first challenge for the forest industry is to create an image that resonates with women, attracting them to the profession. Female role models in forestry are indeed quite rare.
On a daily basis, my work in forestry is far from preconceived notions: environmental and forest certification, relations with First Nations, inputs into the forest management planning process, meetings with other forest users, working committees, integration of legal requirements into operations as well as the research and communication components. This is certainly not what comes to mind for most people when they hear the term “forestry”; which is why it’s important to debunk the myths about the profession in the public arena. Campaigns like The Greenest Workforce[1] and Une forêt de possibilité[2] are ever so important to achieve this.
Welcome Ladies!
It’s imperative for the forestry sector to mobilize and offer women a real place in the industry. If we want women to consider a career in our field, it’s not enough to put a “Welcome Ladies” sign at the entrance of our mills or harvest sites.
Above all, organizations must offer rewarding jobs, with conditions equivalent to those of their male peers, allowing women to realize their potential in a healthy work environment. Opportunities for advancement must be real. In this regard, there is a long way to go, particularly in terms of management positions. Organizations must also reinvent the way they operate to meet the need for flexible schedules because, even though parental roles are changing, family care remains the woman’s responsibility in many cases.
It’s clear that this requires an effort on the part of organizations, and all that’s needed is to take the first steps. Let’s consider it an investment in the future: it would allow women to become female role models in forestry for the next generation... starting with their children.
Passionate women who can contribute to the growth of the Quebec forestry industry: it would be a shame to miss out on this high-quality workforce that is already well-established in our communities.
Marie-Eve Sigouin ing.f. M.Sc.
Forestry Certification Coordinator
RYAM Forest Management
[1] A Forest Products of Canada initiative (APFC/FPAC) http://thegreenestworkforce.ca
[2] Initiative du collectif pour une forêt durable https://uneforetdepossibilites.com/fr
[1] Initiative de l’Association des produits forestiers canadien (APFC/FPAC) http://lamaindoeuvrelaplusverte.ca
[2] Initiative du collectif pour une forêt durable https://uneforetdepossibilites.com/fr